Contribution de La Crida entà la Lenga Nosta (coordinacion de als associacions occitanas de Bearn) taus Conselhèrs generaus deus Pirenèus Altantics

PRÉALABLE

Le gascon, composante de l’occitan
L’occitan est une langue romane aux racines latines. Elle est parlée dans 32 départements du Sud de la France, ainsi que dans le Val d’Aran espagnol et dans douze vallées alpines italiennes. La langue occitane se compose de plusieurs variantes : le limousin, l’auvergnat, le vivaro-alpin, le provençal, le languedocien, le gascon. Le béarnais ne correspond ni à une « langue » ni à un variante différenciée, mais renvoie à l’histoire de Béarn-Foix et de la Navarre, état souverain jusqu’à son annexion par le Royaume de France. Linguistiquement parlant, il s’agit du gascon parlé en Béarn qui fut pendant sept siècles une langue administrative, notariale et littéraire et cela dès le XII e siècle. À la fin du XlXème, avec la renaissance félibréenne, ici l’Escòla Gaston Febus et sa revue Reclams, elle deviendra une grande langue littéraire et elle continue de l’être aujourd’hui.

Explications sur la graphie employée
On conçoit fort bien qu’en espagnol, on n’écrive pas bouenoss diyass pour buenos días : pourquoi faudrait-il donc écrire « Boune Annade » pour « Bona Annada » ? Chaque langue a sa graphie propre et l’occitan du Béarn n’échappe pas à la règle. La seule graphie acceptable est l’« orthographe classique », celle qui, d’ailleurs, est employée dans les communes du Béarn et Bas Adour où une signalisation bilingue a été mise en place (pour mémoire : Artix, Bordes, Lac, Orthez, Oloron, Bayonne, etc. ; dans les Hautes-Pyrénées : Tarbes, en Haute-Garonne : Toulouse, etc.) Cette graphie tient compte de l’étymologie latine de l’occitan et est inspirée par celle qu’employaient les Trobadors (Troubadours) véritables ambassadeurs de la culture occitane, à l’époque médiévale mais aussi des poètes baroques du XVI et XVII siècles.
Cette graphie porte donc le message clair de l’histoire de notre pays, tout en étant résolument tournée vers l’avenir, car elle met l’accent sur les points communs de la langue dans sa diversité, plus que sur ses différences.
Ainsi, un même mot, qui pourra connaître ici et là plusieurs prononciations, sera écrit d’une seule manière. Cette graphie permet de mieux comprendre la langue, elle facilite son apprentissage : elle est d’ailleurs l’unique forme graphique employée dans l’Éducation nationale et les écoles laïques Calandreta. Son utilisation est majoritaire. Il paraît donc inconcevable de revenir sur cette avancée que tous les linguistes, chercheurs universitaires internationaux soulignent et soutiennent. Tous ceux qui ont appris le béarnais, en primaire (dans les écoles Calandreta, écoles publiques bilingues à parité horaire, en sensibilisation…), en option « occitan » au collège et en option facultative ou en enseignement de spécialité, en terminale, ont été formés dans cette graphie. Les méthodes d’apprentissage et les outils pédagogiques sont élaborés à l’identique. Les organismes de formation pour adultes utilisent cette forme graphique : tous étudient des œuvres écrites et éditées dans cette graphie. Les journaux régionaux utilisent cette graphie ( La Setmana, chroniques Vent de Castanha et D’ici étant dans La République des Pyrénées et la très grande majorité des revues éditées dans le département des P.A.), enfin l’ensemble des maisons d’éditions qui possèdent, ce jour, plus de 300 ouvrages en catalogue, l’utilise. La soixantaine d’associations culturelles occitanes du Béarn utilisent cette graphie. Les 150 groupes issus de la dynamique du Festival de la Chanson béarnaise de Siros sont venus peu à peu à utiliser cette graphie. Les groupes de musique et artistes l’utilisent ainsi que le monde économique au travers d’initiatives de groupements de producteurs notamment dans l’agro-alimentaire.

Pourquoi utilisent-ils cette graphie ?
Parce qu’elle est l’aboutissement d’un long travail de normalisation prenant en compte l’ensemble des problématiques linguistiques posées par la langue d’Oc et ses sœurs latines : c’est une convention admise par tous pour lire et écrire la langue occitane de Gascogne, au même titre que l’orthographe employée pour la rédaction en langue française de ce présent document, ne sera pas remise en cause par ses lecteurs. La reconnaissance de cette graphie est donc quasi unanime : de son emploi le plus simple par la-le secrétaire de la plus petite association culturelle au plus petit des groupes, jusqu’aux administrations les plus hautes et aux textes littéraires majeurs. La graphie dite classique, par son lien évident avec son origine relève le soi-disant « patois » au rang de langue reconnue par la communauté scientifique nationale et internationale. Tout autre système graphique « phonétique » paraît aujourd’hui obsolète ; il fut certes pratique à la fin du XIX e siècle, puis dans l’entre-deux-guerres car il correspondait à une époque où les locuteurs naturels, possédant la langue, étaient analphabètes dans leur propre langue. Il fallait à ces locuteurs un système graphique en leur possession, celui qui articulait la langue française qu’ils avaient apprise à l’école de la République. Le système graphique que nous employons est une véritable passerelle vers les autres langues romanes de l’Union Européenne, ce qui permet aux jeunes du Béarn et d’ailleurs de mieux jongler avec les langues liées et valorisées et ainsi de s’ouvrir aux autres. Son ambition est de véhiculer une langue, non pas comme la clé qui ferme les portes et fenêtres de notre paysage mais comme un vecteur universel d’échanges et d’ouverture avec le monde. Un exemple : l’Histoire des langues a voulu que le graphème « nh » de Gasconha (prononcer Gascougno) soit utilisé pour la langue portugaise, et donc sur tous les continents. Là, encore, le rayonnement de la langue occitane y est prépondérant. Cette graphie est commune à l’ensemble des territoires de Langue d’Oc. Elle permet non seulement une cohérence, mais aussi une efficacité linguistique incontestée et incontestable.


LA SIGNALISATION ET L’UNIVERSITÉ DE PAU ET DES PAYS DE L’ADOUR

A. Une signalisation bilingue ?

1. Pourquoi ?
D’abord parce que la population, dans sa très grande majorité, la désire : plusieurs sondages le prouvent. Un sondage IPSOS, réalisé sur la France entière en 1994, montre que plus de 75 % des sondés ne voient pas d’inconvénients au développement de signalisations bilingues partout où il existe une langue régionale. Plus précisément, les sondages réalisés par Média Pluriel Méditerranée ( M.P.M.) commandés par différentes collectivités locales de 1994 a 1998, font apparaître que 66% des gens, qui habitent le sud de la France, considèrent les panneaux bilingues comme « une manière de mettre en valeur la culture du pays ». Seulement 10% de la population du sud de la France y est plutôt défavorable. Ces différents sondages montrent également que les gens ont compris l’intérêt culturel et touristique que revêt une signalisation français - occitan. Le Béarn, qui possède une histoire riche, a donc un retard à combler, notamment par rapport au Pays basque voisin. Les touristes recherchent chez nous ce qu’ils n’ont pas chez eux et trouvent ainsi une raison de satisfaire leur curiosité, leur soif de connaître l’altérité territoriale, culturelle. Cela peut être une voie pour les échanges et les tourisme du XXI e siècle. Contrairement à une idée reçue la signalisation bilingue ne coûte pas cher.
Il faut savoir que la signalisation bilingue français-occitan mise en place à Artix, a coûté seulement 7500 € à la commune pour 147 rues et les entrées de la ville. Les panneaux bilingues aident à la sauvegarde et au développement de notre identité. La mise en place de panneaux bilingues permet de la rendre publique et visible en la partageant avec les locuteurs et les non locuteurs, les gens d’ici et les gens d’ailleurs. Sans une reconnaissance officielle, une langue ne peut pas survivre : les panneaux bilingues permettent, comme dans nombre de régions et pays d’Europe, d’apporter une officialité, une visibilité et la possibilité du partage à la langue minorisée. Car notre langue est menacée d’extinction et le temps presse pour lui redonner vie et dynamisme : une légitimité et enfin une dignité à laquelle elle a droit.

2. Comment ?
Une politique linguistique doit se voir et s’entendre : une langue se parle, s’écoute, s’écrit et se lit. La signalisation bilingue est donc un moyen efficace de la rendre visible. Cette signalisation est le lien fort entre le passé, le présent et le futur. Elle est donc l’illustration parfaite de ce que doit être une politique linguistique prenant en compte l’histoire et la mémoire de la langue ; de surcroît, elle demeure un engagement fort pour l’avenir. C’est ce que les associations signataires de La Crida ont compris de l’engagement du Conseil Général des P.A. en faveur de la langue occitane du Béarn et du Bas-Adour.
Il existe deux signalétiques. L’une privée qui concerne les commerces, les personnes et les entreprises. Il convient donc de faire œuvre de pédagogie : proposer un service au public pour qu’il appréhende la graphie de la langue, à l’instar de certains commerçants, pour l’utiliser au mieux dans leur activité professionnelle. L’autre publique qui concerne les collectivités locales et les établissements publics intercommunaux et enfin les communes. En Béarn, des communes des E.P.I.C. ont déjà réalisé des opérations remarquables (panneaux d’entrée de ville, plaques de rue, signalétique dans des bâtiments…). En revanche, la signalisation indicative routière est de compétence départementale : notons qu’elle est entièrement bilingue dans la partie basque du département. Il serait donc logique et juste, égalitaire au sens où l’entend le principe républicain, que le même traitement soit réservé à la partie occitane du département. La signalisation indicative routière bilingue c’est le Conseil Général des P.A.
pour le Département qui peut la décider et donc l’installer dans les faits. Cependant le coût de la signalisation bilingue ne peut en aucun cas être prélevé sur le budget réservé à la langue et à la culture comme le laisse apparaître la « fiche-action » n° 4 du projet de programme d’actions du C.T.A.L 2007-2010. Chacun sait que la signalétique est une des compétences départementales. Chaque fois qu’un kilomètre de route est construit ou rénové, le coût de la signalisation fait partie intégrante du coût total de l’opération ainsi réalisée.
Enfin, l’opération menée pour la partie bascophone du département a fait l’objet d’engagements financiers importants : ce qui est bon pour une partie du territoire départemental ne serait-il pas bon pour l’autre ? En outre, nous pensons que l’erreur serait grande de réduire cette politique à une « expérimentation » de signalisation bilingue, limitée à des territoires délimités.

Nous ne pouvons que refuser cette proposition car :
– Le département des Pyrénées-Atlantiques a déjà une longue expérience en la matière pour la partie basque du département ; en outre, nombre de communes du Béarn et du Bas-Adour ont déjà expérimenté la chose depuis longtemps.
– La création d’un réduit territorial où l’on rencontrerait incidemment une signalisation bilingue nous ramènerait au concept du parc d’attractions et non pas celui d’un pays cohérent.

Enfin, la signalisation bilingue est facile à mettre en place : il s’agit d’une décision politique. Chaque nouveau panneau remplacé devrait être bilingue. Il n’y a aucun problème technique (lisibilité, sécurité, etc.) dans la mesure où ces questions ont déjà été réglées par les services compétents de la D.D.E. dans la partie basque du département. La mise en place de cette signalisation bilingue généralisée à l’ensemble du Béarn peut être planifiée sur une période raisonnable dans la mesure où nous comprenons fort bien que le remplacement des panneaux actuels a un coût pouvant peser lourdement sur les finances départementales. Cependant, cet argument ne doit pas être le prétexte à l’immobilisme. Le Conseil Général des P.A. semble très attaché à l’unité du département : la question de la signalisation bilingue est aujourd’hui vécue comme s’il y avait une séparation entre deux territoires : l’un avec, l’autre sans !
Pour toutes ces raisons, et en réponse au Contrat Territorial d’Action Linguistique 2007– 2010 qui, nous été remis le 20 décembre 2006, toutes les associations signataires de La CRIDA demandent la mise en en place d’une signalisation bilingue sur les routes départementales situées en zone linguistique de langue d’Oc. Il s’agit pour nous d’envoyer un message clair à la population pour lui montrer que le Département tient compte la situation sociolinguistique des citoyens et prend ainsi ses responsabilités. Le Conseil Général des P.A. montrera ainsi qu’il s’engage PUBLIQUEMENT et de façon VISIBLE en faveur de la langue.

3. Les moyens à notre disposition
Nous disposons de tous les éléments scientifiques nécessaires à sa mise en place. Nombre d’études toponymiques, linguistiques et historiques ont été menées depuis plusieurs années par des spécialistes du Béarn et du Bas-Adour. Nous tenons à votre disposition la liste des noms des communes avec une argumentation historique et toponymique incontestable, fouillée et argumentée. Notre référence est, en ce domaine, l’ouvrage de Michel Grosclaude publié en 1991 et réédité en 2006, avec l’aide du Département des P.A, par les éditions Reclams, Cairn et Institut Occitan, intitulé Dictionnaire toponymique des communes du Béarn.


B. Enseignement universitaire : un outil indispensable
Que s’i parla pertot d’ensenhament mes tà ensenhar que cau ensenhaires ; tà aver ensenhaires, que’us cau formar : tà’us formar que cau estructuras universitàrias : tà formar un ensenhaire que cau quate o cinc ans d’estudis après lo Bac ! Que cau, uei lo dia, prevéder incitacions e ajudas (borsas d’estudis ?) tà que joens causescan un cursus d’occitan ; que’us cau balhar l’assegurança que, au sortir de l’Universitat, e van trobar tribalh. Los joens ne’s pòden pas engatjar dens un cursus qui ne mia pas ad arren, çò qui ei lo cas uei lo dia.
Nous nous inquiétons du sort réservé à l’occitan à l’université de Pau et des Pays de l’Adour. La réduction catastrophique du nombre de postes proposés au CAPES d’occitan a dévalorisé fortement les études d’occitan et a donc réduit le nombre d’étudiants choisissant cet enseignement. L’enseignement en occitan à l’Université de Pau est donc aujourd’hui gravement menacé. Pourtant, il existe des débouchés autres que le CAPES d’occitan-Langue d’Oc. Il est impératif de faire en sorte que l’Université de Pau et des Pays de l’Adour puisse former des jeunes en occitan pour des futurs emplois. Il nous semble inconcevable que la mise en place d’une politique linguistique se fasse sans l’Université, outil indispensable à la recherche et à la formation des jeunes. En outre, nous considérons que, dans le cadre de la Convention signée entre le Département, le Rectorat de Bordeaux et l’État, soit incessamment trouvée une solution afin de conserver à Pau des capacités de formation à l’occitan. La mise en place d’une opération d’information massive dans les lycées afin d’informer les lycéens des possibilités de se former pour être ensuite professeur des écoles — ils commencent à manquer pour les classes bilingues ou les classes par immersion — pour devenir professeur certifié d’occitan ou cadre d’une structure associative partenaire du CTAL par exemple, est aujourd’hui essentielle. C’est pourquoi il nous semble indispensable d’envisager la création d’une Licence professionnelle afin de préparer à d’autres métiers où la connaissance de l’occitan est nécessaire : un projet est en cours d’élaboration à l’Université du Mirail à Toulouse ; pourquoi ne pas tenter de mettre en relation ces deux universités afin de monter un projet commun ? Il serait grave que l’Université de Pau et des Pays de l’Adour qui se situe dans le département, soit en marge du renouveau linguistique qui est en train de se produire et qu’elle ne puisse y apporter sa contribution.